Pour comprendre les dysfonctionnements de la Vème République, il semble important de comprendre certains évènements de l’histoire et notamment ceux qui nous ont amené à la fin de la monarchie.

L’Église contestée

Durant la monarchie, le pouvoir était sous contrôle du roi et de l’Église « catholique romaine », le peuple était «soumis» à l’ordre clérical et au pouvoir du monarque. Cet ordre établi a été bouleversé par la réforme protestante qui a pu connaître un grand succès grâce notamment à « la naissance » de l’imprimerie qui a eu pour conséquence la baisse du prix du livre et par la même occasion le recul de l’illettrisme (le prix des livres baisse et devient plus accessible), facilitant grandement l’adhésion massive à la réforme protestante qui dénonçait entre autre le commerce des indulgences* engendré par l’Église Catholique (système de rachat des péchés sous forme de sommes d’argent). Le clergé (dont les membres justifiaient leur pouvoir dans leur capacité à pouvoir lire et donc enseigner le contenu de la Bible à une population largement illettrée) se voit contesté. Cependant, en France les guerres civiles de religion ont vu la victoire des catholiques sur les protestants. Le protestantisme sera même interdit car perçu comme une forme de contestation du pouvoir Royal. En effet ce mouvement dont le précurseur était Martin Luther considérait qu’il n’y a pas besoin d’intermédiaire entre le croyant et Dieu. C’est logiquement que cette vision inquiétait le clergé et sa hiérarchie qui se donnaient entre autre le rôle d’organiser la vie en société.

Il est intéressant de revenir sur l’apparition de ce mouvement car il a permis à toute une partie de la population de développer son esprit critique (notamment en direction du pouvoir) par la diffusion du savoir, facilité par l’apparition de l’imprimerie. On peut alors s’interroger sur les conséquences sur notre société si ce mouvement s’était développé sereinement en France, peut-être aurions nous un autre état d’esprit (pas la même confiance accordée au pouvoir central, rapport à l’argent différent…)?

La Révolution française

La révolution qui a donné naissance à la première République en 1792 a été menée par les élites du tiers états (avocats, médecins…) avec le soutien du peuple. Ce sont ces élites qui ont permis le renversement de la monarchie combiné à un soulèvement populaire. Cela débouchera sur d’importants « acquis » tel que la liberté et l’égalité devant la loi et l’impôt. Ce n’est pas pour autant que la promesse d’un peuple souverain a été respecté.

Si on s’intéresse à la notion de pouvoir, de cette révolution en résulte une assemblée Nationale (qui deviendra convention) toute puissante où un représentant de cette même assemblée peut à la fois assumer le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire en siégeant au tribunal révolutionnaire et cumuler plusieurs fonctions (Robespierre en plus de son siège à l’assemblée était membre de la commune insurrectionnelle de Paris et entre au comité de salut public pour mettre en place le régime de la terreur*). On assiste alors en réalité à un transfert de pouvoir royal vers la convention nationale qui ne se justifie pas de la même manière (là où la monarchie se réclame de « droit divin », la première République justifie ses pouvoirs par le vote « populaire »).

C’est la Convention Nationale (qui correspond à l’assemblée) qui a voté la mort du roi et non le peuple, elle a ensuite pris son pouvoir quasi « absolu » (La Constitution de 1793 confie les pouvoirs législatif et exécutif à une seule et même assemblée).

Au sortir de la révolution, on constate que l’Assemblée Nationale (composées des élites du tiers états) a pris la place qu’elle convoitait, celle du roi, une lutte pour la prise du pouvoir qui intéressait principalement les élites bourgeoises, le « peuple » constituant le bras armée de la révolution est passé à l’acte entre autre à cause de la montée du prix du pain (suite à une mauvaise récolte). Sans réel séparation des pouvoirs comme le souhaitait pourtant Mirabeau (législatif, exécutif et judiciaire), la révolution abandonne la monarchie pour une oligarchie. Le pouvoir du clergé est supprimé ainsi que la religion catholique et les églises fermées. Pire lorsque les Montagnards domineront la convention, la première République prendra un virage autoritaire, quasi dictatorial qu’on nommera par la suite « la terreur». Si la France n’est plus soumise au système des trois ordres* qui posait un problème évident d’équité, elle est désormais aux mains d’un groupe restreint de personnes, bien décidés à faire régner la terreur sur quiconque remettrait en cause leur autorité.

L’Homme providentiel

Après la terreur*, pour sortir de la tyrannie la France instaure le directoire, période d’instabilité politique et économique qui verra toutefois de nombreux succès militaires. Bien que du point de vue constitutionnel ce régime sépare drastiquement « les trois pouvoirs »* la corruption finit par nuire au pays.

Ce contexte justifie donc l’arrivée au pouvoir d’un général très populaire de par ses victoires militaires.

En effet, de ces victoires sur ses ennemis la jeune République Française retient les exploits d’un homme en particulier, le général Bonaparte, issus de l’école militaire de Brienne et de l’école supérieure militaire de Paris, affété au régiment d’artillerie dont il s’est spécialisé, Napoléon Bonaparte se fait remarquer à plusieurs reprises. C’est sous ses ordres que Toulon est reprise aux Anglais , que la révolte royaliste est réprimée à Paris et que les Autrichiens sont vaincus lors de la campagne d’Italie. Fin stratège sa notoriété et sa côte de popularité auprès de la population s’accroît au file de ses exploits tandis que les hommes politiques sous le directoire ne sont pas appréciés des Français. « Le directoire » alors inquiet de la popularité croissante du général Bonaparte décide de l’envoyer en Égypte (et donc d’éloigner ce qui pourrait constituer une menace pour le pouvoir en place).

Après un an passé en Egypte Napoléon Bonaparte apprend les difficultés auxquelles la France doit faire face, une seconde coalition s’est formée contre elle a l’initiative des Anglais, son objectif : anéantir la République Française et remettre le roi de France sur le trône. La guerre civile reprend, les royalistes se soulèvent à nouveau et les frontières sont désormais menacés par la nouvelle coalition composée de L’Autriche, de la Russie et de la Prusse. Napoléon Bonaparte décide donc de quitter l’Égypte à la hâte en août 1799 pour rejoindre Paris. Lors de son retour en France, il reçoit un accueil triomphal, avec son frère à la convention et la complicité de certains directeurs* (Barras et Sieyès qui jouera un rôle déterminant pour la transition vers le consulat) un coup d’État va propulser Napoléon Bonaparte à la tête du consulat qui remplace désormais le directoire. Par la suite Napoléon organisera un plébiscite qui le confortera dans sa décision de se faire couronner Empereur des Français. Républicain, il respectera la constitution. Le rôle qu’il s’octroie vise à faire de la France un état puissant et influent, Napoléon, dans la continuité de ses victoires apportés à la République endosse en premier lieu un rôle militaire pour consolider le projet révolutionnaire. Il restera toutefois méfiant envers les Jacobains*. Ne prétendant pas concentrer tout les pouvoirs mais soucieux de contrôler une possible opposition les enjeux sont clairs et son statut justifié. Le peuple fait appel à lui pour ne pas revivre une période d’incertitude comme celle de la terreur ou encore l’instabilité engendrée par le directoire.

Napoléon ne se contentera pas des ses nombreuses victoires militaires qui ont légitimé sa prise de pouvoir et laissera également un héritage « structurel » (le code civil, la banque de France ou encore le Lycée sont à l’initiative du premier consul qui deviendra empereur) .

De cette période en ressort une conception verticale du pouvoir : Napoléon-prefets-communes (maire). Un système pyramidal où les décisions viennent d’en haut et « partent vers le bas » de façon fluide « mais de quelles décisions » est-il question ? quel rôle se donnait Napoléon après son accession au pouvoir?

L’objectif et le rôle principal de l’empereur reste toutefois celui de gagner la guerre. Napoléon se veut représentant du système républicain. Souhaitant faire tomber les monarchies autour de la République Française (Royaume de Prusse, d’Autriche…) l’empereur parviendra à faire de la France une puissance mondiale incontournable.

Avec Napoléon, la France s’est placée sous l’autorité d’un « homme providentiel » capable de porter au plus haut les valeurs de la jeune République française de par ses nombreuses victoires militaires. C’est peut être cette épopée qui engendrera par la suite ce réflexe qu’ont les Français de rechercher de façon quasi constante un homme providentiel pour diriger le pays. Serte l’arrivée de Napoléon à la tête du pays se justifie par les circonstances (régime politique fragilisé, instabilité…) cependant ce mythe peut s’avérer handicapant si il est prolongé (Napoléon III ne disposait pas du génie militaire de son prédécesseur, ceux qui ont succédé à De Gaulle n’incarnent pas la résilience et la capacité à faire de la France une puissance mondiale incontournable…).

Le régime politique dans lequel la France se situe aujourd’hui a été engendré par le deuxième « Homme providentiel » que le Pays ait connu depuis la Révolution.

En effet, le régime sous lequel nous sommes actuellement (la Vème République) a été façonné par De Gaulle pour De Gaulle. Approuvé par une majorité de Français son accession au pouvoir se justifiait, au sortir de la seconde guerre mondiale, la IVème République de par son instabilité peinait à la « reconstruction » du pays.

C’est le conflit algérien qui a déclenché cette idée qu’il fallait appeler le général De Gaulle aux plus hautes fonctions pour rétablir l’ordre et permettre à la France de se relever du conflit mondial subi entre 1939 et 1945.

Notons toutefois que De Gaulle étant le premier président de ce régime et ayant démissionné il aurait été logique que nous passions directement à autre chose. En effet, bon nombres de ses prédécesseurs n’ont pas de visions à long terme pour la France, profitant ainsi d’un système comprenant de nombreuses failles pour s’octroyer de nombreux avantages.

On peut retenir de ces deux hommes providentiels largement approuvé par les Français leur accomplissement, Napoléon à atteint l’objectif suivant: préserver la République en France. Bien qu’ayant remporté un nombre important de victoires, son principal échec réside dans le projet de fonder un Empire Républicain dans l’ensemble de l’Europe (son orgueil l’ayant poussé à entrer en conflit avec L’Empire Russe). Entre 1959 et 1969 De Gaulle: fait de la France la deuxième puissance mondiale (il parvient à développer l’industrie nucléaire pour acquérir une certaine « souveraineté énergétique » et également se placer en tant que puissance militaire incontournable). Il a cependant échoué à régler le conflit algérien.

Pour conclure, ces deux exemples que constituent Napoléon et De Gaulle m’amène à penser que l’appel à un homme providentiel ne doit pas être une habitude mais un fait de circonstances.

Depuis la Révolution La France a traversé un certain nombre de périodes de troubles et des périodes d’expansions. Nous pouvons retenir toutefois que l’idéal du peuple souverain qui devait émerger à travers le régime Républicain n’a concrètement jamais pu éclore. Contrairement aux États Unis dont la Constitution n’accorde pas un pouvoir trop important au Président (notamment sur le quotidien de la population).

Afin de poursuivre l’analyse sur le « système politique actuel, il me paraissait nécessaire de revenir sur ces faits historiques au vu de la pauvreté affligeante de la classe politique actuelle en matière de culture générale et notamment sur le volet historique. On peut amèrement regretter cette faiblesse culturelle de nos supposés élites qui mène à une gestion purement technique, sans passion, sans compréhension, souvent vide de sens. Nos dirigeants politique ne font plus de politique agissent comme des managers ayant peu de considération sur ce qu’est la France et qui sont les Français.

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*commerce des indulgences : pratique permettant aux « croyants » d’acheter leur entrée au paradis auprès du Vatican.

*terreur : période durant laquelle de nombreuses personnes accusés de trahir la République au profit des royalistes furent exécutés, la terreur commence suite à de nombreux échecs militaires menaçant la jeune République Française et se termine par l’exécution de Maximilien Robespierre qui dirigeait cette initiative.

*Système des trois ordres : le système des trois ordres implique trois entités (le clergé, la noblesse et le tiers état). Ce système à pour particularité d’accorder une voie par ordre (et non une voie par représentant).